CLAUSES PARTICULIÈRES ‑ LIBERTÉ DU TRAVAIL
Objet de la clause de non-sollicitation
Son intérêt. Dans le cadre d’une cession d’un fonds de commerce ou d’un accord de distribution de biens ou de fourniture de services par exemple, des sociétés concurrentes peuvent s’engager les unes envers les autres, par une clause de non-sollicitation de personnel, à ne pas embaucher leurs salariés respectifs pour protéger leurs activités.
Distincte d’une clause de non-concurrence. La clause de non-sollicitation vise à protéger le savoir-faire d’une entreprise en empêchant ses cocontractants concurrents de débaucher son personnel, et non d’interdire à une entreprise ou à une partie d’en concurrencer une autre exerçant une même activité ou une activité similaire. La Cour de cassation a déclaré que la clause de non-sollicitation ne constitue pas une clause de non-concurrence, dont elle n’est ni une variante ni une précision (Cass. com. 11.07.2006 n° 04-20438) .
Conséquence pour les salariés. La clause de non-sollicitation n’est pas intégrée dans le contrat de travail des salariés puisque l’engagement est pris par leur employeur vis-à-vis de ses partenaires à l’accord. Les salariés ne sont pas signataires de cet accord, et pourtant, cette clause a des conséquences pour eux. Si la clause de non-sollicitation restreint la liberté d’entreprendre des entreprises parties à l’accord, elle porte atteinte également à la liberté du travail de leurs salariés. La Cour de cassation a jugé qu’une clause de non-sollicitation de personnel conclue par une entreprise porte atteinte à la liberté de travailler de son salarié puisqu’elle l’empêche d’être embauché par l’autre partie à la clause ; l’entreprise doit alors indemniser le salarié de ce préjudice (Cass. soc. 02.03.2011 n° 09-40547) .
Condition de sa validité
Proportionnée aux intérêts à protéger. La Cour de cassation a récemment déclaré qu’en raison des atteintes portées par une clause de non-sollicitation à la liberté d’entreprendre et à la liberté du travail, cette clause doit être proportionnée aux intérêts légitimes à protéger pour être valable (Cass. com. 27.05.2021 n° 18-23261).
Illustration. Des sociétés commercialisant des fournitures bureautiques réunies en groupement avec des sociétés distributrices se sont engagées à respecter une charte contenant une clause, dite « Force commerciale », par laquelle chacune des sociétés s’engageait à n’embaucher aucun commercial employé par un autre membre du groupement ou ayant été employé par un autre membre du groupement et l’ayant quitté depuis moins d’un an, sauf accord explicite dérogatoire. Une société du groupement a poursuivi en réparation deux autres sociétés de celui-ci pour violation de cette clause, leur reprochant d’avoir embauché certains de ses anciens commerciaux, lesquels avaient démarché ses propres clients. Ces sociétés ont invoqué la nullité de la clause, car elle apportait une restriction à la liberté du commerce et à la liberté du travail disproportionnée par rapport aux intérêts légitimes à protéger. En appel, la plaignante a obtenu gain de cause, les juges considérant la clause de non-sollicitation valide.
Clause invalidée. Mais la Cour de cassation a censuré les juges. Elle a affirmé qu’une stipulation contractuelle qui porte atteinte aux principes de liberté du travail et de liberté d’entreprendre n’est licite que si elle est proportionnée aux intérêts légitimes à protéger compte tenu de l’objet du contrat. En l’espèce, la clause, conclue entre entreprises concurrentes, portant atteinte à la liberté du travail de leurs salariés ainsi qu’à la liberté d’entreprendre, le juge aurait dû rechercher si ces atteintes étaient proportionnées aux intérêts légitimes que la clause était censée protéger.