L’article 1er de la loi 2022-1158 du 16‑8‑2022 « pouvoir d’achat » a pérennisé l’ancienne prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, sous la forme d’une prime de partage de la valeur (PPV) bénéficiant d’exonérations sociales et fiscales sous certaines conditions.
La PPV a fait l’objet d’une instruction mise en ligne sur le site internet du Bulletin officiel de la sécurité sociale (Boss) le 10‑10‑2022 puis mise à jour le 21‑12‑2022 ( https://boss.gouv.fr , Mesures exceptionnelles – Questions – réponses relatives à la prime de partage de la valeur).
Plusieurs questions restaient toutefois en suspens après cette mise à jour. L’Urssaf caisse nationale y a apporté un certain nombre de réponses que nous détaillons ci-après.
Rappel. La PPV, mise en place selon les modalités prévues en matière d’accord d’intéressement ou par décision unilatérale après consultation du comité social et économique (CSE) s’il existe, peut être versée à tous les salariés depuis le 1‑7‑2022. Elle est exonérée de cotisations sociales dans la limite d’un plafond de 3 000 € par bénéficiaire et par année civile, plafond qui peut être porté à 6 000 € sous certaines conditions. Les exonérations de CSG-CRDS, d’impôt sur le revenu et de taxe sur les salaires dont peut bénéficier cette prime, soumises aux mêmes plafonds, sont quant à elles réservées aux primes versées entre le 1‑7‑2022 et le 31‑12‑2023 aux salariés ayant perçu, au cours des 12 mois précédant leur versement, une rémunération inférieure à 3 fois la valeur annuelle du Smic.
La modulation ne doit pas se traduire par des montants dérisoires ou un abus dans la dégressivité
La loi a prévu que le montant de la PPV puisse, si l’accord ou la décision unilatérale de l’employeur (DUE) l’instituant le prévoit, être modulé en fonction de la rémunération, du niveau de classification, de l’ancienneté dans l’entreprise, de la durée de présence effective pendant l’année écoulée ou de la durée de travail prévue au contrat de travail (durée du travail prise en compte pour le Smic retenu pour le calcul de la réduction générale).
Des écarts de montant de PPV disproportionnés. L’instruction a toutefois limité ces possibilités de modulation, en donnant l’exemple d’une modulation en fonction du critère de l’ancienneté conduisant à des écarts de montant de PPV disproportionnés en fonction des salariés, excluant ainsi la PPV versée du bénéfice des exonérations attachées à ce dispositif (Inst. 3.3) . Cette notion d’écarts disproportionnés est source d’insécurité juridique dans la mesure où elle n’est pas clairement définie et où aucune indication n’a été donnée sur les écarts qui seraient acceptables.
En réponse à notre question sur ce point, l’Urssaf nous indique que « la disproportion réside en ce que, dans la modulation mise en place par un employeur, certains montants peuvent être manifestement dérisoires par rapport au montant non modulé ou bien la modulation induit un abus dans la dégressivité mise en place » .
Elle ajoute que l’appréciation de la disproportion « est liée à l’intégralité de la modulation mise en place », et ne se fait donc pas critère de modulation par critère de modulation. Cela explique qu’il ne peut y avoir de fixation de seuils de modulation tolérés ou de définition exacte de l’écart disproportionné.
Bon à savoir. Dans l’exemple donné par le Boss (Inst. 3.3) , les critères semblaient être examinés un par un. En effet, il était retenu que la modulation en fonction de l’ancienneté conduisait « à des écarts de montant de prime disproportionnés avant combinaison avec d’autres critères de modulation ». Compte tenu de la position exprimée par l’Urssaf, l’employeur ne peut pas se contenter de vérifier que chaque critère de modulation ne conduit pas à des montants de PPV disproportionnés. Il doit contrôler également les écarts de montants créés par l’application combinée de l’ensemble des critères retenus.
Ces contraintes concernent tous les critères de modulation. L’exemple de critère de modulation disproportionné donné dans le Boss vise la modulation en fonction de l’ancienneté. Toutefois, l’Urssaf nous a confirmé que ce principe devait être pris en compte dans tous les cas de modulation mis en place par l’employeur. Elle relève que « le critère de modulation fonction de la durée du travail prévue au contrat implique une stricte proportionnalité de la dégressivité mise en place puisqu’il est renvoyé aux modalités de détermination du Smic de la réduction générale, alors que pour les autres critères de modulation il s’agit uniquement de ne pas déterminer des montants de primes disproportionnés entre les salariés, ce qui est plus souple ».
À noter. Le choix d’une stricte proportionnalité pour l’application de chaque critère de modulation permettrait assurément d’éviter que les écarts de montants soient qualifiés de disproportionnés.
Ces contraintes s’appliquent aux PPV déjà versées
L’Urssaf énonce également que dans la mesure où le Boss ne fait « qu’illustrer la loi dont il rappelle l’objet et l’intention, les entreprises qui auront versé et modulé la PPV avant la mise à jour du Boss pourront voir remises en cause les exonérations appliquées en cas de montants de prime disproportionnés ».
À notre avis. Il est probable que cette position s’applique à toute mise à jour ultérieure de l’instruction sur la PPV.
Hors cas d’absence toute l’année, la modulation ne peut conduire à exclure des salariés du bénéfice de la PPV
L’Urssaf apporte une réponse bienvenue à la question de la possibilité de prévoir des critères de modulation conduisant à une PPV égale à zéro pour certains salariés : « seul le critère de modulation en fonction de la durée de présence pendant l’année écoulée peut conduire à l’exclusion d’un salarié de la prime (…). En dehors de cette situation, l’employeur est autorisé à moduler le montant de la prime, c’est-à-dire, selon certains critères utilisés de manière proportionnée, à en réduire le montant. Mais cette réduction ne peut conduire à une prime égale à zéro, c’est-à-dire à exclure, au moyen des critères de modulation, certains salariés de la prime. »
L’Urssaf précise au sujet de l’exclusion en raison du critère de la durée de présence qu’il « s’agit par exemple du cas du salarié absent pendant au moins les 12 mois précédant le versement de la prime, dans la mesure où cette absence n’est pas assimilée à de la présence effective » (en raison notamment de la prise de congés maternité, paternité, d’adoption ou d’éducation des enfants).
Les annulations d’exonérations sociales éventuelles peuvent toutefois être limitées
L’Urssaf rappelle que selon l’instruction, « en cas de redressement, ce dernier pourra être opéré dans des conditions similaires à celles applicables pour le contrôle de l’application des règles liées au caractère obligatoire et collectif des systèmes de garanties de protection sociale complémentaire fixées à l’article L 133‑4‑8 du CSS autorisant à réduire le redressement à proportion des seules erreurs commises »(Inst. 8.1) .
Ainsi, s’agissant des éventuels critères de modulation qui seraient jugés non autorisés car conduisant à des écarts disproportionnés, l’Urssaf pourrait réduire le redressement de cotisations et contributions sociales en le limitant aux sommes faisant défaut, calculées « lorsque la modulation n’était pas autorisée, en fonction de l’écart entre le montant des primes réduites à tort et le montant des primes non modulées défini par l’employeur »(Inst. 8.1) .